55_2020-2021/18 - Demande de création d'un cadre juridique pour la production, la vente et la consommation de cannabis
Pétitions
55_2020-2021/18 - Demande de création d'un cadre juridique pour la production, la vente et la consommation de cannabis
Cette pétition vise à demander aux décideurs politiques de créer un cadre juridique permettant la production, la vente et la consommation de cannabis.
Le document (qui reprend l'entièreté de la pétition avec l'exposé du dossier et les demandes concrètes) est rédigé en français et en néerlandais.
L'année dernière, Europol et l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) ont annoncé dans un nouveau rapport que les Européens consomment chaque année pour 30 milliards d'euros de drogues. 40 % de ce chiffre est constitué par le cannabis. Notre pays se classe au 5e rang pour la production illégale de cannabis et, dans le même temps, la législation sur le cannabis médicinal est dans les starting-blocks.
Entre-temps, les Nations unies ont décidé de retirer le cannabis de la liste des drogues les plus dangereuses.
Le moment est venu d'aborder le phénomène du cannabis sous un angle scientifique.
Car la société - et la politique en premier lieu - a abordé le débat sur le cannabis depuis trop longtemps avec une vision conservatrice et souvent moralisatrice. En catégorisant le cannabis avec d'autres drogues (dures) plus dangereuses, un débat constructif ne s'est pas concrétisé. Par conséquent, la recherche scientifique sur les aspects positifs potentiels du cannabis fait également défaut depuis longtemps.
Le cannabis est une drogue douce, qui est moins nocive que de nombreuses autres drogues (dures), légales ou non. Il suffit de penser au tabac et à l'alcool, qui sont considérés comme des drogues dures. On peut le voir sur le site web de l'Institut national de la santé publique et de l'environnement du ministère de la santé publique, du bien-être et des sports aux Pays-Bas (9).
Selon les recherches qui y sont présentées, l'alcool et le tabac obtiennent un score élevé sur l'échelle de la nocivité pour la santé publique et sont donc relativement plus nocifs que de nombreux autres types de drogues. L'héroïne et le crack, ainsi que l'alcool et le tabac, semblent être relativement les plus nocifs. Les champignons, le LSD et le khat, en revanche, ont un score relativement faible sur cette liste. La consommation de cannabis et d'ecstasy se situe dans ce classement au niveau individuel dans la catégorie intermédiaire. L'étude indique que le classement est déterminé sur la base de la triple division suivante : quelle est la toxicité de la drogue (à court et à long terme), quelle est sa dépendance et quel est le préjudice social ?
Il indique également que c'est en partie sur la base de cette évaluation que "la politique néerlandaise actuelle en matière de drogue est évaluée de manière rationnelle". Quand allons-nous adopter une approche rationnelle de ce problème dans notre pays ? Ou devrions-nous continuer avec des fables ?
Légalisation et réglementation
Une légalisation et une réglementation du marché nous permettraient avant tout de mieux contrôler la consommation de cannabis et de réduire au maximum les risques et les effets nocifs. En outre, le
marché privé injecterait beaucoup plus d'argent dans la recherche scientifique, ce qui entraînerait une augmentation phénoménale des connaissances sur cette substance. On sait déjà que le cannabis a des effets thérapeutiques positifs pour certains patients, par ailleurs une étude récente a montré que la consommation de cannabis peut stimuler la vie sexuelle (10).
Le coeur du débat sur le cannabis, et in extenso de toute la politique en matière de drogue, devrait donc porter sur la stratégie la plus adaptée pour réduire les risques et les dommages liés à l'usage récréatif, en particulier chez les jeunes. En outre, il convient d'examiner comment nous, en tant que société, pourrions tirer profit d'une éventuelle légalisation.
Restons réalistes : la "guerre contre la drogue" coûte cher. Le contribuable paie et le circuit criminel prend l'argent. C'est la réalité en 2020. Cependant, en 2003, le gouvernement Verhofstadt a décidé de modifier la loi sur les drogues du 24 février 1921 (!). L'un des changements importants est qu'une distinction a été faite entre le cannabis et les "autres" drogues, mais le cannabis reste un produit illégal. Pire encore, avec la politique de tolérance mise en place depuis quelques années, les citoyens ne savent plus clairement ce qui est permis et ce qui ne l'est pas.
Si aujourd'hui, presque 20 ans plus tard, nous faisons un bilan pragmatique de cette politique peu claire et répressive, nous constatons qu'elle a laissé tous ses objectifs de côté. Ces objectifs devaient contribuer à une réduction globale du nombre de consommateurs dépendants, à la réduction des dommages physiques et psychosociaux causés par la consommation de cannabis, et à la réduction de l'impact négatif du cannabis sur la société, à savoir la criminalité.
En outre, la Belgique est le cinquième producteur illégal de cannabis en Europe, ce qui en fait un produit très facilement disponible sur le marché noir belge, malgré ses risques pour la santé. Le VAD (Centre flamand d'expertise sur l'alcool et les autres drogues) rapporte qu'un jeune de 17 ou 18 ans sur deux affirme avoir un accès facile au cannabis (4). Bien entendu, cette place dans le top 5 inclut également une criminalité toujours plus importante autour des grands producteurs professionnels, qui s'accompagne d'une augmentation de la violence, de la corruption et d'autres conséquences néfastes dues à ce marché noir. De plus, il est important de savoir qu'il n'y a actuellement aucun contrôle sur la pureté, la qualité et la force du cannabis (2).
Nous plaidons donc pour un changement de politique. Une politique no plus basée sur des règles de 1921 mais qui s'appuie sur la réalité de l'année 2020. Plusieurs pays, dont le Canada et l'Uruguay, ont déjà opté pour cette dernière option, et la Commission mondiale sur la politique des drogues plaide également pour la fin de la "guerre contre la drogue" au niveau mondial. Récemment, il a même été annoncé que le Luxembourg sera le premier pays européen à légaliser et à réglementer totalement le cannabis. Ils veulent organiser eux-mêmes la production dans un délai de quatre ans et prélever des taxes sur les ventes, dans le but de reprendre le contrôle (5).
L'un des aspects les plus importants de la légalisation du cannabis, qui reste toujours sous-exposé, est son impact économique sur notre société. Au Colorado, la légalisation a connu des succès économiques inattendus. Il y a quelques mois, le groupe de réflexion belge "Vrijdaggroep", qui s'est engagé à améliorer notre société en élaborant des documents stratégiques sur les principaux défis, a publié un rapport sur l'impact de la légalisation du cannabis sur nos dépenses publiques. D'après leurs calculs, la légalisation ne profiterait qu'à notre budget. Les dépenses publiques en matière de police et de justice diminueraient de manière exponentielle, mais les usagers mineurs seraient toujours poursuivis, tout comme les délits et les crimes commis sous influence. En raison des droits d'accises que nous pouvons prélever sur les ventes de cannabis, l'État dégagerait une marge comprise entre 100 et 150 millions d'euros (8).
Notre message aux décideurs politiques actuels est clair : Cessez de présenter la légalisation sous un jour négatif et osez enfin admettre que les politiques répressives actuelles font plus de mal que de bien.
Proposition de politique et cadre juridique pour :
- Une interdiction légale pour les mineurs ;
- Créer un cadre juridique permettant l'utilisation du cannabis à des fins médicales ;
- Créer un cadre juridique qui permette l'utilisation à des fins récréatives ;
- Établir des règles claires pour les utilisateurs adultes ;
- Introduire un contrôle de qualité sur le produit final ;
- Permettre la culture à domicile pour un usage personnel ;
- permettre la production pour un usage personnel et la vente par l'intermédiaire de clubs sociaux de cannabis ;
- introduire un mécanisme de contrôle de la production de cannabis ;
- introduire une interdiction de la publicité pour le cannabis et ses dérivés ;
- la perception de droits d'accises sur la vente de cannabis à l'usager ;
- investir dans une politique de prévention (y compris la promotion d'une utilisation responsable) ;
- renforcer le système de soins de santé et offrir un traitement spécialisé à tous les toxicomanes sans liste d'attente.
Les auteurs de la pétition: Dieter Goovaerts, Sébastien Dewailly, Armel de Schreye, Carlo Van Grootel en Zjef Cokelaere
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(1) https://eurotox.org/2018/03/28/rapport-sur-lusage-de-drogues-en-wallonie-et-a-bruxelles-2017/
(2) https://www.kuleuven.be/metaforum/docs/pdf/wg_43_n.pdf
(3) Cannabis onder controle. Hoe? P. 32 – Tom Decorte Paul De Grauwe Jan Tytgat
(4) https://www.vad.be/assets/factsheet_cannabis_december_2018_def
(5) https://www.globalcommissionondrugs.org/reports
(6) http://www.lefigaro.fr/international/2017/12/29/01003-20171229ARTFIG00242-aux-etats-unis-le-business-du-cannabis-legalise-en-plein-essor.php
(7) https://www.levif.be/actualite/sante/un-joint-tous-les-jours-triple-les-risques-de-psychose/article-normal-1109245.html
(8) https://www.v-g-v.be/nl/cannabis-legaliseren/
(9) https://www.rivm.nl/publicaties/ranking-van-drugs-vergelijking-van-schadelijkheid-van-drugs
(10) https://nl.metrotime.be/2020/01/18/must-read/wetenschappelijk-bewezen-cannabis-kan-je-seksleven-een-boost-geven/
Lors de sa réunion du 15 mars 2022, la commission des Pétitions a transmis cette pétition à la commission de la Justice et au vice-premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord.
Réponse du vice-premier ministre et ministre de la Justice et de la Mer du Nord (09/05/22)
La politique belge actuelle en matière de cannabis est conforme aux traités internationaux qui n'offrent que peu ou pas de possibilités de légalisation complète du cannabis. Par ailleurs, un débat sur une éventuelle légalisation devrait de préférence être mené au niveau européen. L'expérience montre qu'une politique fragmentée entre les pays européens a des effets indésirables, notamment dans le domaine du « tourisme de la drogue ». Le Luxembourg semble également revoir ses projets de légalisation dans l'intervalle, notamment en raison d'obligations internationales (ONU et Schengen). Une éventuelle légalisation du cannabis n'est pas incluse dans l'accord de coalition.
En outre, il n'est pas correct d'affirmer, comme le fait la pétition, que la Commission des stupéfiants des Nations Unies (CND) a déclassé le cannabis. Lors de la session de mars 2021, il a été décidé de n'autoriser l'usage thérapeutique que sous certaines conditions. Le cannabis reste une drogue dangereuse, comme en témoignent également les nombreuses demandes d'aide pour des problèmes liés au cannabis.
De plus, la consommation de drogue en Belgique est déjà considérée avant tout comme un problème de santé publique, si bien que l'accent n'est pas tant mis sur la répression des usagers mais plutôt sur la prévention, la prise en charge, la réduction des risques et la (ré)insertion. En effet, dans la politique belge, la consommation de cannabis n'a pas été légalisée, mais elle a été décriminalisée dans une certaine mesure. Dans le cas d'un adulte, l'usage non problématique et non public de cannabis en petite quantité est assimilé à une intoxication publique et n'est de facto pas puni. Un nombre limité de produits est en effet autorisé à usage médical.
Quant aux « cannabis social cubs », le tribunal a déjà condamné plusieurs initiatives parce que leurs administrateurs étaient impliqués dans le crime organisé.
Enfin, la Cellule générale de Politique en matière de Drogues (CGPD) - qui comprend des représentants des ministres chargés de la politique des drogues - a formulé quinze recommandations concernant la politique future au cours de la précédente législature. Celles-ci comprennent une discussion approfondie de la politique en matière de cannabis, à la fois pour un usage récréatif et médical, en tenant compte des découvertes scientifiques les plus récentes, de l'expérience pratique de tous les secteurs concernés et du contexte international. Dans le cadre d'éventuelles modifications de la Loi Drogues de 1921, une discussion est actuellement en cours sur l'éventuelle légalisation du cannabis, même s'il est loin d'être certain qu'une décision sera finalement prise.
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